Témoignage de Bianca, maman de Jérémy et Éliane

Mon nom est Bianca et je suis la fière maman de trois beaux enfants dont deux ont reçu un diagnostic de trouble de la biogénèse des peroxysomes dû à une mutation génétique du gène PEX 16.

Si la maladie du trouble de la biogénèse des peroxysomes est au départ déjà, une maladie rare, la mutation qui la cause chez mes enfants l’est encore plus. Lorsqu’on reçoit un diagnostic comme celui-ci, on nous dit que chaque petit soldat vivant avec cette maladie écrit sa propre histoire en essayant de combattre, tant bien que mal, les batailles journalières que son corps lui envoie.

Notre premier enfant est arrivé en 2005, un charmant garçon d’aujourd’hui 14 ans. La maladie l’a épargné mais il doit lui aussi composer avec les contrecoups de cette maladie. Bien qu’il ne vive pas physiquement avec celle-ci, il a grandi bien avant son temps, devant épauler son frère et sa sœur dans toutes les activités de la vie. Il a aussi dû, bien plus souvent qu’à son tour, accepter que papa et maman n’aient pas autant de temps qu’avant pour lui. À travers tous les rendez-vous liés à la condition de son frère et de sa sœur, il doit lui-même s’organiser. Je lui répète souvent, Zachary est lui-même un super-héros. Il a toujours ce grand sourire qui nous rappelle que la vie a aussi de belles choses à nous offrir.

En 2007 est venu mon bébé sourire, Jérémy qui a aujourd’hui 13 ans. Cet enfant a tellement été facile! Une grossesse facile, un accouchement facile, un bébé souriant et facile. Il a marché plus tard, autour de 16 mois, rien pour vraiment nous inquiéter. Il était maladroit, plutôt lent, mais on se disait que c’était son tempérament. Il tombait souvent mais c’était un enfant. Un jour, autour de sa première année, son pied droit s’est mis à entrer vers l’intérieur. Puis, l’été suivant sa première année, il s’est mis à avoir de la difficulté à monter les escaliers, à être incapable de courir, à tomber… tout le temps. Notre médecin de famille nous a rapidement référés en pédiatrie, la pédiatre à une neurologue et plein de tests ont suivi, sans rien trouver. On a d’abord pensé être passé à côté d’une petite paralysie cérébrale…

Cette année-là fut difficile. Jérémy devenait de moins en moins mobile, il était incapable de monter dans la voiture sans aide, le chauffeur d’autobus l’aidait à monter la dernière marche de l’autobus à genou, ses mains se sont mises à trembler, davantage lorsqu’il mangeait, écrivait, il devenait incapable de se retenir pour aller aux toilettes. Je regardais mon fils se détériorer, impuissante, sans comprendre ce qu’il se passait. Aucun parent ne devrait vivre cela.

Pendant ce temps, ma petite princesse née en 2012, Éliane, devait en principe faire ses premiers pas, voir même marcher mais elle peinait à le faire. Elle était incoordonnée, hypotonique, n’avait aucune balance, aucun équilibre. Lors d’une visite à l’hôpital pour son frère, une docteure est venue me voir et m’a demandé si elle pouvait examiner ma fille. Après l’examen, elle m’a regardée et m’a dit : « Madame, je ne sais pas ce qu’il se passe mais votre fille ne marche pas comme une enfant de son âge le devrait, on va lui faire voir un neurologue. » Et mon monde s’est écroulé… pour une deuxième fois.

 

En y repensant, cela n’aurait pas dû m’étonner, Éliane était un bébé difficile qui pleurait tout le temps. Elle ne faisait que deux choses, pleurer et dormir. Au fond de mon cœur de maman, je savais que quelque chose clochait. Nous étions en 2014.

Ce n’est qu’en octobre 2017, après avoir eu la chance de faire un séquençage des gènes de nos enfants que nous avons appris qu’ils avaient cette maladie. Quand on nous apprend que notre enfant est atteint d’une maladie neurodégénérative, notre monde s’arrête de tourner de la façon qu’il tournait avant. 1%, c’est ce que représentait le risque qu’une maladie génétique soit la réponse aux problèmes de santé de mes beaux enfants.

Je me souviens être entrée dans l’hôpital pour recevoir le diagnostic et d’y être ressortie complètement changée. Qu’est-ce que j’allais dire à mes enfants? Mon fils qui veut devenir professeur d’éducation physique, ma fille qui rêve de faire du patinage artistique, moi qui leur ai promis qu’il y avait toujours une solution à tout, que si on voulait, on pouvait. Est-ce que j’ai le droit de briser leurs rêves, déjà, à l’âge qu’ils ont? Plus encore, est-ce que je vais perdre mes enfants? Ma naïveté est peut-être restée dans ce bureau d’hôpital en octobre 2017, mais ma confiance en la vie est restée avec moi.

Quand on nous dit qu’il n’y a rien à faire pour guérir nos enfants, qu’on ne peut que les aider à se sentir mieux, ce qu’il nous reste, c’est la recherche. La recherche c’est notre espoir d’un futur pour nos enfants. Et quand le financement ne vient pas pour la recherche pour nos enfants, on trouve des gens qui comme nous vivent ces peurs et ces incertitudes pour leurs enfants et nous unissons nos forces pour assurer un avenir à nos petits héros qui ont vécu et qui vivent encore aujourd’hui.

Pour moi, il a fallu accepter beaucoup de choses et j’aurai toujours à le faire. Accepter de ne pas avoir beaucoup de réponses à nos questions. Accepter, qu’on ne sait pas vraiment de quoi sera fait demain. Accepter de vivre avec le fait que mes enfants sont en train d’écrire l’histoire de cette maladie avec ce qui vient avec comme les essais de médicaments, les essais de thérapie. On ne sait pas ce qui fonctionnera mais ne pas essayer, pour mon cœur de mère n’est pas une option. C’est aussi se coucher la peur au ventre quand une journée se passe mal et craindre que ce soit notre nouvelle réalité. C’est se réveiller avec quelque chose de nouveau à essayer et investiguer cette piste le reste de la nuit. C’est être incapable de se projeter dans l’avenir, parce que ça fait trop mal si on y pense trop réalistement. C’est vivre chacune de leur déception et de leur deuil comme un coup de couteau au cœur. Oui, bien sûr, c’est aussi apprécier encore plus la vie, les petites choses qu’elle comprend et sa fragilité. C’est sourire pour des pacotilles et être heureux de juste les avoir avec nous et souriants, mais en même temps, avoir la tête qui n’arrêtera jamais de trouver cela totalement injuste.

Quand on se relève d’un diagnostic comme celui-là, on est plus fort et quand nous avons la chance de rencontrer d’autres parents habités par cette même force, je crois que nous pouvons déplacer des montagnes. J’espère que nos histoires vous toucheront et que lorsque nous vous tendrons la main, vous répondrez à l’appel afin de nous aider à ce que ces maladies rares deviennent des maladies traitables. Ce 1 % peut paraître bien rare, mais si on met ensemble tous ces 1 %, on se rend bien compte que nous sommes un village. Un village qui mérite qu’on s’occupe de leur maladie et qu’on en parle. Parce qu’ensemble, on est tellement plus forts.

J’ai souvent parlé de la maladie des enfants, et je continuerai de le faire jusqu’au jour où on dira qu’elle n’est plus incurable…

Bianca, maman de Jérémy et Éliane